LE CAUCASE 301 cent ans, nul buveur ne s'est incliné sur la rive qui ait fait oublier le premier. » Nous nous étions rapprochés de la muraille du Cau- case, qui s'accroche au rocher même d'où sort cette source: il est curieux de comparer l'œuvre de la nature avec celle de l'art, le travail du temps et celui de l'homme. » La lutte de la destruction contre la matière était vi- sible, et parfois avait l'air d'être intelligente. Une graine de hêtre était tombée dans une gercure de la pierre où elle avait rencontré un peu de terre végétale; et alors la graine avait poussé et était devenue un grand arbre, dont la racine avait fini par disjoindre et faire éclater la muraille. Le vent, en s'engouffrant dans les ouvertures commencées, avait fait le reste. Seul, le lierre compa- tissant, comme les chantres et les troubadours qui recueillaient et réunissaient les débris du passé, seul le lierre rattachait les pierres déjà tombées aux ruines près de tomber de la muraille. » Cette muraille se dirigeait en droite ligne de la forte- resse Narine-Kale à l'occident sans s'interrompre, ni aux montagnes, ni aux précipices; elle était flanquée de petites tours placées à des distances inégales les unes des autres et de grandeurs inégales elles-mêmes. Elles servaient probablement de postes principaux: on y ren- fermait des armes et des vivres; les commandants y habitaient, et l'on y rassemblait, en cas de guerre, les troupes, qui, par le sommet de la muraille, communi- quaient d'une tour à l'autre. » Cette muraille, quoique s'éloignant de Derbend, conserve le même caractère qu'à Derbend; sa hauteur