298 1 IMPRESSIONS DE VOYAGE C civilisées, plus rien trouver de beau dans l'univers de l'Indoustan et du Farsistan. Nos mages du Nord eux- mêmes, nos fées et nos géants, sont devenus, aux mains des conteurs modernes, de curieuses caricatures de l'es- pèce humaine. Nous n'avons plus de croyance au beau. Dans un conte de fée, nous ne voyons que le cadavre de l'esprit d'une autre époque. L'analyse de ses beautés n'est pour nous qu'une leçon d'anatomie. Avec tout cela, les imaginations qui ne sont pas tout à fait mortes ten- tent de se tromper elles-mêmes, et, à défaut de palais entiers, elles créent des ruines. » C'est l'histoire de ce qui m'arriva que je vous ra- conte. Lorsque, resté en arrière de mes compagnons, je descendais, ou plutôt je laissais mon cheval descendre un précipice escarpé, je n'avais pas assez d'imagination pour voir autour de moi les créations des. poëtes orien- taux, mais je me les rappelais, comme ces danseuses habillées de soie, de gaze et de paillettes que j'avais vues dans les ballets de Saint-Pétersbourg. » Et cependant l'aigle traçait de grands cercles au- dessus de ma tête, le torrent de la montagne hurlait sous mes pieds, et, par une grande crevasse, à l'orient, je dis- tinguais la Caspienne, couverte de vapeurs; enfin, autour de moi, les flancs du Caucase couverts de verdure, cou- ronnés de neiges, émaillés de fleurs couleur de feu. » Quel plus magnifique cadre pour la fantaisie! >> Notre conducteur s'égara.. Que ces Tatars sont né- gligents à l'endroit des respectables vestiges du passé! ― » Enfin, lassés d'aller à cheval à travers les buissons, en laissant aux épines des lambeaux de nos habits, le drap lesghien seul résiste aux ronces lesghiennes,