LE CAUCASE 297 l'Orient ayant décidé qu'à cette époque les anges étaient des femmes, souvenir en vertu duquel les poëtes, ces inventeurs de l'inversion, ont dit depuis que les femmes étaient des anges. » Mahomet repoussait cette croyance, et cependant il inventa quelque chose de pareil. Il plaça dans son para- dis les houris toujours vierges, les houris vertes, bleues et roses, en vertu de ce proverbe qui dit que des goûts et des couleurs il ne faut pas disputer. » Combien de palais de fées n'a point bâtis la poésie indienne avec les brouillards de la Fable! » La poésie orientale, pauvre de légendes, écrasée par la réalité, sans espoir du lendemain, se jeta dans l'abîme de l'incroyable et créa d'imagination un univers im- possible, mais magnifique et resplendissant; comme le Satan de Milton, qui, du bout d'une de ses deux ailes, touchait à l'enfer, et, du bout de l'autre, touchait au ciel, Ali a réuni sur la terre l'enfer et le paradis, en y plaçant ces belles et étonnantes créatures qui, malgré leur cé- leste origine, se livrent à une occupation toute terrestre. Nous ne saurions, nous autres hommes du Nord ou de l'Occident, apprécier la beauté des poëmes arabes; la simplicité y descend jusqu'à l'enfantillage; l'amour y monte jusqu'à la fureur, la haine jusqu'à la férocité. Et tout cela, expliquez la chose! respire cependant une nature puissante, primitive, virginale. D'où vient cela ? Ah! c'est que, nous autres, nous sommes frottés et ar- rondis par le courant des siècles, comme les cailloux du Terek; plus d'aspérités, ni dans la forme, ni dans l'es- prit; adorateurs de la logique, sectateurs de l'arithmé- tique, nous ne pouvons, au point de vue de nos idées I. 17.