LE CAUCASE 291 Elle avait reçu le coup, et elle mourait en pardon- nant à Bestuchef ce meurtre involontaire. Une instruction fut commencée contre Bestuchef; mais, sur la déposition du prêtre, il fut absous. Ce fut lui qui éleva la tombe d'Oline, qui fit graver l'inscription et sculpter cette rose frappée de la foudre, terrible symbole de la destinée de la pauvre enfant. Mais, à partir de ce moment, Bestuchef ne fut plus le même une sombre mélancolie, un besoin de danger, une soif de mort s'empara de lui. Il s'offrait comme volontaire dans toutes les expédi- tions, et, chose étrange, toujours le premier et le der- nier au feu, il en revenait toujours sans blessure. Enfin, en 1838, on fit une excursion chez les Aba- zertzkys; on marchait sur le village d'Adler. Au moment d'entrer dans une forêt, on fut prévenu que cette forêt était occupée par un nombre de montagnards trois fois. plus considérable que celui des Russes. Les montagnards avaient, en outre, l'avantage de la position, puisqu'ils étaient retranchés dans une forêt. Le colonel ordonna de sonner la retraite. La retraite fut sonnée. Bestuchef commandait les tirailleurs avec un autre officier, le capitaine Albrand. Au lieu d'obéir à la voix du clairon, tous deux s'enfoncèrent dans la forêt à la poursuite des montagnards. Le capitaine Albrand revint, mais Bestuchef ne repa- rut pas. Le prince Tarkanof, de qui je tiens ces détails, ren- voya le capitaine Albrand à la recherche de Bestuchef avec cinquante chasseurs de Mingrélie.