LE CAUCASE 283 un œil? Je ne tiens pas du tout à être roi du royaume des aveugles. Je ne crois pas que vous ayez rien à craindre de pareil; d'ailleurs, nous serions là pour vous défendre. On n'arrache pas comme cela les yeux à un membre honoraire du régiment des montagnards indigènes. En tout cas, je connais le chef de la députation; c'est un très-brave homme, fils de celui qui a présenté les clefs de la ville à l'empereur de Russie, et que l'on nomme Kavous-Beg-Ali-Ben. Je vais m'informer à lui de ce. qu'il vous veut. Il alla à Kavous-Beg-Ali-Ben, et lui demanda ce qu'il voulait. - C'est bien simple, me dit-il en revenant ce brave homme, qui parle russe, a lu vos livres traduits en russe; il les a racontés à ses compagnons, - Vous savez comme les Persans sont conteurs et les gens que vous voyez là sont autant d'admirateurs des Mousquetaires, de la Reine Margot et de Monte-Cristo. - Écoutez, mon cher prince, dis-je; je ne suis pas venu de Paris à Derbend pour qu'on me fasse poser · dites-moi franchement ce que me veulent ces gens! - Je vous l'ai dit, parole d'honneur! N'ayez pas l'air d'en douter; vous leur feriez beaucoup de peine. Les voilà, prenez un air grave et écoutez. En effet, le chef de la députation s'approcha de moi, posa la main sur son cœur, et me tint le discours sui- vant en idiome moscovite : « Illustre voyageur!... » On me traduisit cet exorde; je m'inclinai le plus gra- vement que je pus. Kavous-Beg reprit :