LE CAUCASE 281 Les deux côtés de la rue ascendante sont garnis de boutiques, presque toutes de chaudronniers et de forge rons; au fond de chacune de ces boutiques est creusée une niche, et dans cette niche, avec l'immobile gravité qui caractérise son espèce, est perché un épervier. Grâce à cet épervier, chaque jour de fête ou de repos, le forgeron ou le chaudronnier se donne, comme un grand seigneur, la satisfaction d'une chasse aux alouet- tes ou aux petits oiseaux. Après avoir visité le bazar, nous gagnâmes la mos- quée; le moullah nous attendait pour nous la faire visi- ter; je voulais, selon l'usage oriental, ôter mes bottes ; mais il ne le permit point: on se contenta de relever les tapis sacré, et de nous faire marcher sur le carreau. En sortant de la mosquée, une espèce de cippe funé- raire frappa ma vue; je demandai ce que c'était : il me semblait que cette colonne devait se rattacher à quelque légende. Je ne me trompais pas, ou plutôt, je me trompais : ce n'était pas une légende, c'était une histoire. Il y a à peu près cent trente ans, lorsque Derbend, ville persane, était sous la domination de Nadir-Schah, les habitants se révoltèrent contre un gouverneur très- doux et très-pacifique que le hasard leur avait donné et le chassèrent de leurs murs. Nadir-Schah n'était pas homme à se laisser fermer, à lui, maitre de l'Asie, la porte de l'Europe: il envoya, pour remplacer le gouverneur pacifique, le plus féroce de ses favoris, en lui recommandant de reprendre la ville à quelque prix que ce fût, lui laissant le choix de la vengeance qu'il devait tirer des habitants. 46.