LE CAUCASE 277 de Temirkhan-Choura à Derbend, et tout était prêt. Nous mangeâmes aussi vivement que possible; nous voulions profiter des derniers rayons du jour pour des- cendre jusqu'à la mer, dont nous n'étions qu'à deux ou trois cents pas. Bagration se chargea d'être notre cicérone. Derbend, c'est sa ville, ou plutôt son royaume. Tout le monde le connaissait, le saluait, lui souriait; on le sentait aimé de toute cette population, comme est aimée, quelle qu'elle soit, la chose prodigue et bienfaisante; comme on aime la fontaine qui répand son eau, comme on aime l'arbre qui secoue ses fruits, qui épanche son ombre. C'est incroyable comme il est facile d'être bon quand on est fort. La première chose qui nous frappa fut une petite ba- raque en terre; elle était défendue par deux canons; elle était entourée d'une chaîne, et, sur deux piliers de pierre, elle portait le double millésime 1722 et 1848, avec cette inscription: PERVOÉ AT DAKNOVENIÉ VELIKAVO PETRA. ce qui signifie : « Le premier repos de Pierre le Grand. » Ce fut en 1722 que Pierre visita Derbend; ce fut en 1848 que l'on mit cette barrière autour de la cabane qu'il avait habitée. Un troisième canon la défend du côté de la mer. Ces canons ont été amenés par le tzar; ils avaient été fondus par lui à Voronéje sur le Don; ils portent la date de 1715. 1. 16