LE CAUCASE 275 Germain, des banquiers de la rue du Mont-Blanc et des princesses de la rue de Bréda. - Ce sera nouveau, mon cher prince, et je compte sur la nouveauté. Mais qu'est-ce que je vois là? - Pardieu! c'est Derbend. C'était Derbend, en effet, c'est-à-dire une immense muraille pélasgique qui nous barrait le passage en s'é- tendant du haut de la montagne jusqu'à la mer. Devant nous seulement une porte massive, apparte- nant, comme forme, à cette puissante architecture orien- tale destinée à braver les siècles, s'ouvrait et semblait aspirer à elle et avaler le chemin. Près de cette porte s'élevait une fontaine qui paraissait bâtie par les Pélasges et à laquelle des femmes tatares, avec leurs longs voiles à carreaux de couleur vive, ve- naient puiser de l'eau. Des hommes armés jusqu'aux dents étaient appuyés à la muraille, immobiles et graves comme des statues. Ils ne parlaient pas entre eux, ils ne regardaient pas les femmes qui passaient devant eux : ils rêvaient De l'autre côté de la route, il y avait un de ces murs ruinés, comme il y en a toujours près des portes et des ontaines des villes d'Orient, et qui ont l'air d'être là pour l'effet. Dans l'intérieur du mur, là où avait sans doute été autrefois une maison, poussaient des arbres énormes, chênes et noyers. Nous fimes arrêter les voitures. C'est si rare de trouver une ville qui réponde à l'idée qu'on s'est faite d'elle, d'après son nom, d'après sa nais- (1) V. Sultanetta, un vol. Paris, Michel Lévy frères.