LE CAUCASE 273 Moynet en fit non-seulement un dessin, mais encore une aquarelle. Nous avions le temps, au reste: Derbend n'était plus qu'à cinquante verstes de nous, et nous étions sûrs, sauf accident, d'y arriver dans la journée. En route, au Caucase surtout, on peut toujours compter sur un accident. L'accident arriva : à dix-huit verstes de Derbend, à Khan-Mammet-Kalinskaïa, les chevaux man- quèrent. Mais, avec Bagration, c'était un petit malheur; il se plaça au milieu de la route, arrêta les six ou huit pre- miers arabas qui passèrent, et, moitié riant, moitié me- naçant, le tatar à la bouche et l'argent à la main, il convertit leurs conducteurs en hiemchiks et leurs rosses en chevaux de poste. Nous repartimes. Sur la route, au fur et à mesure que nous trouvions des chevaux de retour, nous rendions la liberté à un voiturier tatar et à sa troïka, et nous reprenions une allure plus rapide. Vers les deux heures de l'après-midi, l'approche de Derbend, qui nous était caché par un mouvement de la montagne, nous fut signalée par la vue d'un cimetière tatar. Toute une colline en amphithéâtre, d'une verste de haut, était hérissée de tombes tournées vers l'Orient et dominant la mer. Bagration, au milieu de cette forêt de pierres funé- raires, me fit remarquer un petit monument coquette- ment peint en rose et en vert. - C'est la tombe de Sultanetta, me dit-il.