272 IMPRESSIONS DE VOYAGE quelque chose comme douze cents lieues de Strasbourg. Il est vrai que nous étions encore plus loin de la Chine et que nous prîmes d'excellent thé. ne Le grand avantage des lits russes, c'est qu'ils ne poussent pas à la paresse. Il y a peu de sybarites pro- longeant, au delà du réveil, leur station sur une planche de sapin qui n'a d'autre matelas, pour les os déjà brisés par la tarentasse, qu'une couche de peinture en vieux chêne. Le premier rayon du jour entre sans difficulté, trouvant ni volets ni rideaux, et joue sur vos paupières, comme disent les poëtes; vous ouvrez les yeux, vous poussez un gémissement ou un juron selon que vous avez le caractère mélancolique ou brutal; vous vous laissez glisser à bas de votre planche, et tout est dit : vous êtes chaussé, botté, habillé, brossé, et, si vous n'insistez pas énormément pour avoir de l'eau, lavé. J'avais acheté à Kasan trois cuvettes de cuivre. Lorsque nous les tirions de notre tarentasse, elles fai- saient l'étonnement des smatritels, qui, jusqu'au mo- ment où nous faisions nos ablutions, se demandaient inutilement à quoi elles pouvaient servir! Mais le prince avait sa cuisine, son nécessaire à thé, son nécessaire de toilette. Ce que c'est que d'avoir voyagé en France, où l'on trouve des pots à l'eau et des cuvettes à chaque station! Nous étions levés au point du jour. Au point du jour le village de Karakent, noyé dans le brouillard avec un premier plan chaudement éclairé, et les autres plans se dégradan. 'au milieu d'un rayon rose, puis violet, et finissant par se perdre dans un lointain vaporeux et bleuâtre, présentait un si ravissant aspect, que