270 IMPRESSIONS DE VOYAGE ces marais salés comme nous en avions rencontré dans les steppes kirghis et nogaïs. Au reste, par la disposition du sol, par le tracé de la route, il était évident que nous n'allions plus la perdre de vue jusqu'à Derbend. Nous descendîmes de notre colline, nous remontâmes dans nos tarentasses, qui franchirent un dernier pli de terrain, et qui se retrouvèrent dans les steppes. Là disparaissaient ces montées impossibles, ces des- centes folles auxquelles ne font pas même attention les hiemchiks du Caucase, et qu'ils montent et descendent au grand galop sans s'apercevoir qu'entre la montée ct la descente passe un fleuve. Il est vrai que, pendant six mois de l'année, le fleuve n'est pas chez lui; mais il laisse, pour le représenter, ses cailloux, sur lesquels les voitures dansent avec des bon- dissements dont on n'a pas idée chez nous, mais qu'on doit prévoir lorsqu'on examine la construction des tarentasses. C'est le symbole de la lutte de l'homme contre l'im- possible. Eh bien, l'homme terrasse l'impossible, et il arrive! il est vrai que toujours l'homme est moulu, que souvent la tarentasse est brisée; mais qu'importe, du moment que le chemin est fait, l'espace franchi, le but at- teint! Notre but, pour cette fois, était à Karakent. Nous y arrivâmes vers quatre heures de l'après midi, on tira des provisions de la tarentasse, et l'on dina. En voyage dans ces sortes de voyages surtout le diner devient une grande affaire. -- -