LE CAUCASE 263 Je n'ai vu que les chasseurs de la Kabardah qui puis- sent être comparés à ces échappés de l'enfer. Nous marchâmes, une demi-heure à peu près, au milieu de collines boisées. Le jour se levait peu à peu. Seule- ment, un contre-fort de la montagne nous empêchait de voir la mer Caspienne, qu'à trois verstes de Temirkhan- Choura nous avions entrevue comme un grand miroir bleu; de l'autre côté d'un pli de terrain que nous domi- nions, on voyait blanchir, aux premières clartés du jour, les casernes badigeonnées d'Ischkarti, que l'on pouvait prendre pour des palais de marbre blanc. Nous franchimes la petite vallée en faisant partir sous les pieds de nos chevaux des vols de perdreaux et de faisans. Quand nous arrivâmes à Ischkarti, il était sept heures et demie du matin; nous avions fait quinze verstes. Le colonel commandant la forteresse, prévenu la veille par Bagration, nous attendait; le déjeuner était prêt. Cinq cents hommes qui devaient nous accompa- gner étaient sous les armes. On déjeuna lestement, ce qui n'empêcha point de bien déjeuner; puis on partit. Il était neuf heures. - Jusqu'à midi, nous montàmes. - Trois fois les fan- tassins firent halte dix minutes, pour se reposer; chaque fois, le prince leur fit distribuer un petit verre de vodka. Un baril suivait l'expédition, porté par un cheval. Depuis huit ou dix verstes, les bois avaient disparu pour faire place à des collines gazonneuses qui se suc- cédaient les unes aux autres sans interruption et sans fin. En arrivant au sommet de chacune d'elles on croyait arriver au dernier sommet: on se trompait; une côte