262 IMPRESSIONS DE VOYAGE Nous couchâmes dans de vrais lits; c'était la seconde fois depuis Ielpativo. La première fois, c'était chez le prince Dundukof- Korsakof, à Tchiriourth. A cinq heures du matin, on nous réveilla. Il faisait nuit encore; mais le ciel étincelait d'étoiles. On entendait piétiner et hennir les chevaux à la porte. Le prince entra dans notre chambre. - Allons, nous dit-il, une tasse de thé ou de café, à votre choix. Nous voyons se lever le soleil sur la mer Caspienne; nous déjeunons à la forteresse d'Ischkarti, où nous arrivons avec un appétit féroce, et puis... et puis vous verrez ; je ne veux pas vous ôter le plaisir de la surprise. Nous avalâmes chacun une tasse de café, et nous sor- times. Cent hommes du régiment du prince Bagration nous attendaient à la porte. Nous avons dit que ce régiment se composait de mon- tagnards indigènes. Vous pourriez croire que ces mon- tagnards indigènes sont des Lesghiens, des Tchetchens ou des Tcherkesses qui ont fait leur soumission. Vous seriez dans l'erreur. Les montagnards indigènes sont, comme on dit en Corse, de pauvres diables qui ont fait une peau. Lisez qui ont troué une peau. Lorsqu'un montagnard est sous le coup d'une ven- detta, il quitte le pays et s'engage dans le régiment de Bagration. Vous comprenez comme ces gaillards-là doivent se battre; ils n'ont jamais la chance d'être faits prisonniers. Autant d'hommes pris, autant de têtes coupées.