LE CAUCASE 261 En route, je lui racontai ce qui nous était arrivé le matin, et comment, une heure plus tôt, nous nous trou- vions au milieu de la bagarre. Je lui montrai le kandjar que j'avais acheté à Iman-Gasalief et lui dis le regret que j'avais de ne pas avoir demandé si le fusil du chef lesghien était à vendre. - Il est acheté, me dit-il. - Par qui, prince? - Par moi donc ! C'est l'appoint de mon kandjar; comptez dessus. - - Mais il est peut-être déjà loin. - C'est possible; mais on courra après. Je vous dis que c'est comme si vous l'aviez. Que diable! un prince Bagration ne donne pas sa parole en l'air. Vous voyez, ajouta-t-il en riant, que nous allons assez vite pour rat- traper un fusil. - Je crois bien, nous rattraperions la balle! A huit heures du soir, nous rentrions à Choura, que nous avions quittée la veille à dix heures du matin. Nous avions refait en trois heures et demie ou quatre heures, le chemin que nous avions mis un jour et demi â faire. Dix minutes après notre arrivée, le souper était servi. Un souper à la française! Cela nous conduisit tout droit à parler de Paris. Le prince l'avait quitté depuis deux ans seulement. Il y avait connu tout le monde. Si l'on avait dit aux demoiselles dont nous nous entre- tenions qu'il était question d'elles, à cette heure, sur les bords de la mer Caspienne, au pied du Karanay, entre Derbend et Kislar, elles eussent été bien étcnnées. 45.