252 IMPRESSIONS DE VOYAGE rapidité qui, même sans explications, ne nous eût pas laissé de doute. Nos deux troupes se joignirent; une troisième venait lentement derrière. Celle-là, ce n'était pas la troupe victorieuse, c'était la troupe funèbre : elle portait les morts et les blessés. Au premier moment, il fut impossible de rien com- prendre aux paroles qui s'échangeaient autour de nous; d'abord, on s'exprimait en tatar, et Kalino, notre inter- prète russe, n'y comprenait absolument rien. Mais ce qu'il y avait de clair, c'étaient quatre ou cinq têtes coupées et saignantes, et, ce qui n'était pas moins pittoresque, des oreilles passées à des mèches de fouet. Sur ces entrefaites, l'arrière-garde arriva; elle appor- tait trois morts et cinq blessés; trois autres blessés pou- vaient se soutenir sur leurs chevaux et marchaient au pas. Il y avait eu quinze Lesghiens tués; les cadavres étaient à une demi-lieue de là, dans le ravin de Zilly-Kaka. - Demandez au chef de la centaine de nous donner un homme qui puisse nous conduire jusqu'au champ de bataille, et priez-le de nous donner des détails sur le combat, dis-je à Kalino. Le chef de la centaine offrit de nous y conduire lui- même; il était décoré de Saint-Georges, et, pour son compte, il avait tué deux Lesghiens dans une lutte corps à corps; dans l'ardeur du combat, il leur avait coupé à chacun la tête et rapportait la paire. Il ruisselait de sang. Chaque homme qui avait tué un montagnard, outre la tête et les oreilles, avait toute la dépouille de l'ennemi