248 IMPRESSIONS DE VOYAGE En effet, ce qui passait était grave. Nous avions enfin des nouvelles de cette fameuse ex- pédition des Lesghiens dont on nous parlait, depuis trois jours, comme d'une chose vague, mais menaçante. A l'heure qu'il était, les miliciens d'Helly devaient en être aux mains avec eux. Voici ce que l'on savait déjà, le reste était ignoré. Au point du jour, deux pâtres étaient venus à Helly les mains liées et avaient raconté ceci aux habitants : Un parti de cinquante Lesghiens sous la conduite d'un fameux abreck de Gaubden, nommé Taymas Goumisch Bouroum, ayant pris, la veille au matin, dans un kou- tan (1), les moutons qu'il contenait et les deux pâtres qui les gardaient, s'était égaré dans le brouillard, et, pendant la nuit, avait été en quelque sorte se heurter à Paraoul, où nous étions couchés; ils s'en était écarté vivement, mais était tombé sur un autre village nom- mé Guilley. Alors, les montagnards, comprenant le danger de leur position, avaient abandonné bêtes et gens, et avaient pris la direction des montagnes cou- vertes de bois qui relient Helly à Karabadakent. C'étaient évidemment nos deux hommes de Paraoul. Mais, à Helly, comme il faisait jour, comme on se trouvait dans un grand aoul de deux à trois mille âmes, on fit plus d'attention à leur récit. A l'instant même, l'essaoul (2) Mohamet-Iman-Gasalief avait rassemblé toute la milice tatare d'Helly, deux cents hommes à peu près, et avait demandé cent hommes de (1) Parc de brebis. (2) Enseigne qui commande une sotnia de Cosaques ou de miliciens.