240 IMPRESSIONS DE VOYAGE Pendant ce temps, la pluie se convertissait tout dou- cement en neige. La neige tomba bientôt, à croire qu'il y en aurait six pieds le lendemain matin. Il n'y a qu'une chose à faire, dis-je à Kalino, c'est d'offrir un rouble ou deux à ces braves gens-là s'ils veulent atteler quatre buffles à la tarentasse; s'il n'y a pas assez de quatre buffles, on en mettra six; s'il n'y en a pas assez de six, on en mettra huit. La proposition fut faite et acceptée. On attela quatre buffles, six buffles, huit buffles; tout fut inutile. Les malheureux animaux glissaient avec leurs pieds four- chus sur ce terrain, et, en poussant des mugissements lamentables, tombaient sur leurs genoux. Au bout d'une demi-heure d'essais infructueux, il fallut y renoncer. L'ouragan redoublait et devenait un véritable chasse- neige. Malgré l'effroyable temps qu'il faisait, je ne pouvais détacher mes yeux d'un aoul qui s'élevait de l'autre côté de la vallée. A travers le rideau de neige que j'avais devant les yeux, il me semblait entrevoir quelque chose d'admi- rable. Je voulus faire partager mon admiration à Moynet, mais ce n'était pas le moment. Il grelottait; le froid le prenait, disait-il, tout autrement que les froids ordi- naires, qui pénètrent de l'extérieur à l'intérieur. Lui, le froid le prenait par la moelle des os et sem- blait venir de l'intérieur à l'extérieur. Que faire? On avait dételé les buffles; tous leurs 1