236 IMPRESSIONS DE VOYAGE présenter successivement au feu toutes les parties de son corps. Au bout de trois quarts d'heure, il était cuit. Nous avions retrouvé, au fond d'une bouteille de notre nécessaire à thé, un reste d'huile d'olive achetée à Astra- kan et nous en avions arrosé le coq à défaut de beurre. Le malheureux animal était excellent. Privé de poule, il avait engraissé; il me rappela le fameux coq vierge dont parle Brillat-Savarin. Ce que c'est que la gloire, ce que c'est que le génie ! nous venions de prononcer le nom du digne magistrat à quatorze cents lieues de la France, au pied du Cau- case, et tout le monde connaissait ce nom, même Kalino. La Russie n'a pas de vrai gastronome; mais, comme les Russes sont très-instruits, ils connaissent les gastro- nomes étrangers. Dieu leur donne l'idée de le devenir, gastronomes, et il ne manquera plus rien à leur hospitalité! Le coq dévoré du croupion à la tête, on commença de débattre une question non moins grave que celle du souper. C'était la question du coucher. Trois de nous pouvaient coucher sur le poêle, à la condition que ce seraient les trois plus minces. Le quatrième héritait naturellement du lit de camp, Il va sans dire que le lit de camp me fut dévolu à l'unanimité; j'eusse tenu à moi seul la moitié du poêle. Les deux premiers montèrent en s'entr'aidant l'un l'autre, et hissèrent le troisième. Ce n'était pas chose facile il y avait dix-huit pouces à peine entre le haut du poêle et le plafond.