LE CAUCASE 233 On nous introduisit dans la plus belle chambre du poste. Elle avait une cheminée et un poêle. Son ameublement se composait d'une table, de deux tabourets, et d'une planche scellée dans la muraille et faisant lit de camp. Il s'agissait de se nourrir. Comptant coucher à Helly ou à Temirkhan-Choura, nous n'avions pris aucune provision. Nous pouvions envoyer un Cosaque jusqu'à l'aoul; mais comment exposer un homme à avoir la tête cou- pée pour vous donner, à votre souper, la douceur d'une douzaine d'œufs et de quatre côtelettes ? Kalino en avait déjà pris son parti; en sa qualité de Russe, pourvu qu'il eût ses deux verres de thé, en Russie, il n'y a que les femmes qui se passent le luxe de prendre du thé dans des tasses, les hommes le prennent dans des verres pourvu, dis-je, qu'il eût ses deux verres de thé, cette boisson, qui, chez les estomacs français, creuse un trou, même à travers une indiges- tion, suffisait à endormir ou plutôt à noyer sa faim. - Il en était de même du lieutenant Troïsky. Or, nous avions notre nécessaire de voyage, avec thé, somavar et sucre. Nous avions notre cuisine, se composant d'une poêle, d'un gril, d'une marmite à faire le bouillon, de quatre assiettes de fer étamé, et d'autant de fourchettes et de cuillers. Mais une cuisine est bonne quand il y a quelque chose à faire bouillir ou rôtir, et nous n'avions absolument rien à mettre sur le gril ou dans la marmite.