226 "IMPRESSIONS DE VOYAGE Je fis un pas en avant; les chiens reculèrent, mais en montrant les dents. -- Écoutez, dis-je à Moynet, je viens de fouiller à ma poche, je n'ai que deux cartouches; avec les deux qui sont dans mon fusil, cela fait quatre. Il s'agit de tuer quatre hommes ou quatre chiens. Je crois qu'il est plus avantageux de tuer quatre hommes. Voilà mon poi- gnard, éventrez le premier animal qui vous touchera. Je vous réponds de tuer le premier Tatar qui voudrait vous éventrer à son tour. Moynet prit le poignard et fit face aux chiens. Il eût bien voulu, lui aussi, ressembler à Marco Spada. Notre mauvaise étoile, dans le mouvement stratégique que nous opérions, nous conduisit près d'un boucher en plein vent. Les bouchers tatars étalent leur marchandise aux branches d'un arbre factice, autour duquel les chiens forment cercle en regardant la viande avec un regard de convoitise. Le cercle du boucher se composait d'une douzaine de chiens, lesquels se joignirent aux dix ou douze qui déjà nous faisaient escorte. La chose devenait inquiétante. Le boucher, qui naturellement prenait parti pour les chiens, s'était levé, et, les poings sur les hanches, nous regardait d'un air goguenard. L'air du boucher m'exaspéra encore plus que les aboiements des chiens. Je compris que, si nous continuions de battre en re- traite, nous étions perdus. - Asseyons-nous, dis-je à Moynet.