224 1 IMPRESSIONS DE VOYAGE mon album, je le confiai au coussin de la tarentasse, et je m'acheminai vers l'aoul. Laissez donc votre fusil et votre poignard, me dit Moynet vous avez l'air de Marco Spada! - Mon cher ami, lui répondis-je, je ne suis pas énor- mément flatté de ressembler au héros de mon confrère Scribe; mais je me rappelle l'avis de madame Polnobo- kof: « Ne sortez jamais sans vos armes; si elles ne ser- vent pas à vous défendre, elles serviront à vous faire "especter. Je garde donc mon fusil et mon poignard. Et moi, reprit Moynet, je me contenterai de mon album et de mon crayon. - J'étais déjà en avant; d'ailleurs, j'ai pour principe de laisser à chacun, non-seulement toute sa liberté de pen- sée, mais même d'action. Moynet déposa son fusil, déboucla son poignard, tira son album de sa poitrine, son crayon de son album, et me suivit. Il me rejoignit aux premières maisons de l'aoul; nous nous engageâmes dans une espèce de défilé qui ressem- blait à une rue, et nous débouchàmes dans une cour. Je vis que je m'étais trompé, et je revins sur mes pas. Nous trouvâmes une autre apparence de chemin qui aboutissait dans une seconde cour. Les chiens de la première nous avaient suivis en gro- gnant. Les chiens tatars ont un prodigieux instinct pour éventer les chrétiens; ceux de la seconde cour se joi- gnirent à eux; seulement, ceux-ci, au lieu de se conten- ter de grogner, aboyèrent. "