LE CAUCASE 199 reprirent leur rang autour de la voiture, et toute la caravane repartit comme elle était venue, c'est-à-dire au galop. A cinq ou six verstes de l'aoul, on fit halte. Le moment était venu de nous séparer. Nous trou- vâmes une nouvelle escorte de cinquante hommes, par- tie probablement la veille au soir de Kasafiourte, et qui nous attendait. Ces séparations sont les seules tristesses d'un voyage. Quand il y a eu tant de joie dans la réception, tant de franchise dans les moments écoulés ensemble, on se de- mande comment on va faire pour se passer les uns des autres, après s'être trouvés si bien ensemble. Avant de me quitter, le jeune prince s'approcha de moi, et, me présentant le poignard que j'avais mar- chandé chez l'armurier, me l'offrit au nom de son père. C'était au prince qu'il était vendu; c'était pour moi qu'il était acheté. Nous nous embrassâmes de grand cœur, le lieute- nant-colonel et moi; nous nous serrâmes les mains; nous fìmes mille promesses de nous revoir, soit à Paris, soit à Saint-Pétersbourg; puis nous nous séparâmes avec le reste de l'état-major, pour ne nous revoir pro- bablement jamais. Après quoi, nous continuâmes notre route vers Tchi- riourth, tandis que le prince rentrait dans son aoul et le lieutenant-colonel Cogniard dans sa forteresse. Ce fut vers le soir seulement que nous aperçûmes Tchiriourth. En même temps que nous apercevions Tchiriouth, nous voyions distinctement au haut d'une montagne,