192 IMPRESSIONS DE VOYAGE nous vîmes tout à coup une troupe d'une soixantaine d'hommes à cheval qui venaient à nous. Je crus un instant que nous tenions notre escar- mouche. Je me trompais. Le lieutenant-colonel Cogniard mit tranquillement son lorgnon à son œil et dit : C'est Ali-Sultan. En effet, le prince tatar, se doutant que nous pren drions le plus court, et pensant, de son côté, que nous pouvions être attaqués, s'était mis à la tête du ban et de l'arrière-ban de sa maison, et venait à notre ren- contre. Je n'ai rien vu de plus pittoresque que cette troupe armée. Le prince galopait en tête avec son fils, âgé de douze ou quatorze ans, tous deux magnifiquement vêtus, cou- verts d'armes splendides. A ses côtés, un peu en arrière, venait un noble tatar, nommé Kouban. A l'âge de douze ans, se trouvant atta- qué par les Circassiens, il avait pris la place du ca- pitaine, qui avait été tué à la première décharge, et il avait repoussé l'ennemi. L'empereur l'avait su, l'avait fait venir, et lui avait donné la croix de Saint-Georges... à douze ans ! Derrière eux, venaient quatre fauconniers et six pages. Puis cinquante à soixante cavaliers tatars, dans leurs plus beaux accoutrements de guerre, brandissant leurs fusils, faisant cabrer leurs chevaux, criant: Hourra! Les deux troupes se mêlèrent et nous nous trou- vâmes avoir une escorte de cent cinquante hommes.