LE CAUCASE 191 qu'elle dansait la lesghienne avec Bageniok, au son du violon d'Ignacief. Pour aller diner à l'aoul du prince tatar, il nous fal- lait passer, à moins de faire un long détour, sur les terres de Schamyl. Le lieutenant-colonel Cogniard ne nous cacha point que nous avions dix chances d'être attaqués contre une de ne l'être pas ; mais c'était une ga- lanterie qu'il nous faisait. Il avait pris cinquante hommes d'escorte et tout cet état-major de jeunes officiers qui, la veille, nous avait donné une fête. En sortant de Kasafiourte, on entre dans la plaine de Koumich, magnifique désert où l'herbe, que personne ne fauche, pousse à la hauteur du poitrail des che- vaux. Cette plaine- qui, à notre droite, venait se rattacher au pied des montagnes derrière lesquelles se tient Schamyl et du haut desquelles ses vedettes nous suivaient de l'œil, s'étendait à gauche à perte de vue et sur une ligne tellement horizontale, que je crus un instant qu'elle était bordée par la mer Caspienne. La plaine de Koumich, où le vent seul est roi, que nul n'ensemence, que nul ne récolte, foisonne de gibier. Au loin, nous voyions bondir les chevreuils et marcher gra- vement les grands cerfs, tandis que, sous les pieds des chevaux de notre escorte, devant l'attelage de notre tarentasse, se levaient des vols de perdreaux et fuyaient des troupeaux de lièvres. Quelquefois, le prince Mirsky prend cent hommes, vient avec eux chasser dans cette plaine et tue deux cents pièces de gibier. A deux lieues de Kasafiourte, au détour d'un chemin,