190 IMPRESSIONS DE VOYAGE cheval, livré à lui-même, s'emporterait et, en s'empor- tant, étranglerait la femme. Il avait donc pris le parti de tuer le cheval avant l'homme. Ainsi avait-il fait. Sa première balle avait porté en plein dans le poitrail de l'animal, que nous avions alors entendu battre furieusement l'eau de ses pieds de devant. Au milieu de l'agonie de son cheval, le Tche- tchen avait làché à son tour son coup de fusil, et avait enlevé le papak de Bageniok, mais sans toucher la tête. Bageniok avait aussitôt lâché son second coup de ca- rabine et avait tué ou blessé à mort le Tchetchen. Il s'était aussitôt élancé à l'eau. Il s'agissait de sauver la femme avant qu'elle fut étranglée ou noyée. Arrivé au milieu du fleuve, où le cheval se débattait dans les convulsions de l'agonie, il avait, d'un coup de kandjar, coupé le licou et soulevé la femme hors de l'eau. Alors seulement, il s'était aperçu qu'elle tenait un enfant entre ses bras. En ce moment, il avait éprouvé une vive douleur au mollet c'était le montagnard à l'agonie qui le mordait à belles dents. Pour lui faire lâcher prise, il lui avait coupé la tête. Voilà comment nous l'avions vu revenir, son kandjar aux dents, la femme et l'enfant sur une épaule, et la tête du montagnard à la main. Cela s'était passé bien simplement comme vous voyez, ou plutôt Bageniok nous avait raconté cela comme une chose toute simple. Nous primes congé de notre hôtesse, emportant non- seulement le souvenir de son hospitalité, mais encore un portrait d'elle que Moynet avait fait la veille, tandis