LE CAUCASE 187 Je reportai ma vue de l'autre côté de la rivière et j'at- tendis immobile. Le cavalier était arrivé au bord de l'Axaï. Il se pré- sentait à moi diagonalement et je pouvais voir qu'il traî- nait une personne à la queue de son cheval. C'était un prisonnier ou une prisonnière. Au moment où il poussa son cheval dans l'eau et où celui ou celle qu'il traînait après lui fut obligé de l'y suivre, on entendit un cri lamentable. C'était un cri de femme. Tout le groupe était déjà dans le fleuve, à deux cents pas au-dessous de moi. Que faire ? Comme je m'adressais cette interrogation, la rive du fleuve s'éclaira subitement; un coup de feu se fit entendre. Le cheval battit l'eau convulsivement de ses pieds, et tout le groupe disparut dans la tempête soule- vée au milieu du fleuve. Un second cri, cri de détresse comme le premier, poussé par la même voix, retentit. Cette fois, je courus du côté où s'accomplissait le drame. Au milieu de cette espèce de tourbillon qui continuait d'agiter le fleuve, une flamme brilla, un second coup de feu jaillit. Puis un troisième coup de feu partit du bord, puis j'en- tendis le bruit de quelqu'un qui s'élançait à l'cau, je vis comme une ombre se dirigeant vers le milicu de la ri- vière, j'entendis des cris, des imprécations; puis, tout à coup, bruit et mouvement, tout cessa. Je regardai autour de moi; mes compagnons les plus