LE CAUCASE 183 Un de nos hommes échangea un signe avec Bageniok et s'arrêta. Cent pas plus loin, un second s'arrêta à son tour. Cent pas plus loin, un troisième. Je compris que l'on se plaçait à l'affût. Pendant tout son cours dans la montagne, la rivière était guéable. Or, en revenant de leurs expéditions noc- turnes, les Tchetchens ne s'amusaient pas à la remonter. Ils se jetaient avec leurs chevaux où ils se trouvaient. Voilà pourquoi, de cent pas en cent pas, les chasseurs se plaçaient le long de la rivière. Tous s'arrêtèrent, les uns après les autres. Bageniok, qui marchait en tête, s'arrêta naturellement le dernier. Je m'arrêtai avec lui. Il se coucha à terre, et me fit signe d'en faire autant. Comme il ne parlait pas français, que je ne parlais pas russe, nous ne pouvions nous entendre que par signes. Je fis comme il faisait, m'abritant, ainsi que lui, sous un buisson. On entendait, pareils à des lamentations d'enfant, les cris des chacals qui rôdaient dans la montagne. Ces cris et le bruit de l'eau de l'Axaï étaient les seuls qui troublassent le silence de la nuit. On était trop loin de Kasafiourte pour entendre la vibration de l'hor- loge, et de Knezarnaïa pour entendre la voix des fac- tionnaires. Tous les bruits que nous entendions, à ce point de la montagne où nous étions, étaient des bruits ennemis, qu'ils vinssent des hommes ou des animaux. Je ne sais ce qui se passait dans l'esprit de mes com- pagnons, mais ce qui me frappait, c'était le peu de