LE CAUCASE 181 - Comment peut-il savoir cela ? demandai-je à Kalino, qui me traduisit sa phrase. Kalino reproduisit mon interrogation. - Leurs chevaux marchent l'amble, dit Bageniok; au milieu de leurs rochers, les chevaux des montagnes sont bien forcés de marcher le pas ordinaire. En effet, cinq ou six minutes après, nous vîmes passer dans l'obscurité une petite troupe de cavaliers composée de sept ou huit personnes. Elle ne nous vit pas, Bageniok nous ayant recom- mandé de nous cacher derrière la saillie formée par la rive droite de l'Yarak-Sou. Je demandai le motif de cet excès de précaution. Souvent les montagnards ont des espions parmi les gens de la plaine. Un des hommes que nous venions de voir passer pouvait être un espion, se séparer de la pe- tite troupe et donner avis aux Tatars. Nous attendimes donc qu'ils fussent tout à fait éloi- gnés pour nous remettre en route. Au bout d'une demi-heure de marche, nous vîmes un bâtiment qui blanchissait à notre gauche. C'était la forteresse russe de Knezarnaïa, c'est-à-dire le point le plus avancé de toute la ligne. La pente des montagnes vient mourir au pied de ses murailles. Nous entendions sur ces murailles la voix de la sentinelle qui criait: Slouchi (écoute)! Nous aussi, nous écoutâmes. Mais cette voix, repro- duite par une seconde sentinelle pour se perdre encore, puis par une troisième pour s'éteindre tout à fait, n'eut pas un quatrième écho, et s'évanouit dans l'air comme le cri d'un esprit de la nuit. 1. 11