178 IMPRESSIONS DE VOYAGE luttes mortelles, les combats corps à corps, les cris des blessés, les dernières imprécations des mourants. Au drapeau, l'histoire belliqueuse du jour ; à elles, les légendes sanglantes de la nuit. Chaque homme avait sa carabine à deux coups sur l'épaule et son long kandjar à la ceinture. Pas une de ces carabines dont les balles n'eussent donné la mort; pas un de ces kandjars dont le fil n'eût séparé, non pas une tête, mais dix têtes des épaules. Pas d'armes intermédiaires. Les compagnons de Bageniok, de Michaëlouk et d'Igna- cief leur avaient apporté leurs tcherkesses de campagne et leurs carabines. Quant à leurs kandjars, ils ne les quittent jamais; quant à leurs cartouchières, elles sont toujours bourrées de poudre et de balles. Nos deux danseurs et le musicien revêtirent leurs habits de guerre. Pendant ce temps, Moynet, Kalino et moi, nous nous armions de notre côté. Nous fûmes prêts en même temps qu'eux. - Païdiome! dis-je en russe. Cela voulait dire : « Partons ! » Les chasseurs nous regardèrent avec étonnement. -- Expliquez-leur, dis-je à Kalino, que nous partons avec eux et que nous voulons être de l'expédition. Kalino leur traduisit mes paroles et le signe affirma- tif que Moynet fit de la tête. Bageniok, qui était le sergent-major et qui avait d'ha- bitude le commandement de l'expédition, devint sérieux. - Est-ce bien vrai, demanda-t-il à Kalino, ce que disent le général français et son aide de camp?