168 IMPRESSIONS DE VOYAGE lette, que je soupçonnai d'être plus géorgienne que cir- cassienne, se terminait par de petites pantoufles poin- tues en velours cerise, brodé d'or, qui n'apparaissaient que rarement pour montrer un fort joli pied, cachées qu'elles étaient par les longs plis de la robe de satin noir. On a dit que le Circassien était le plus beau peuple de la création. Cela est peut-être vrai pour les hommes; cela est con- testable pour les femmes. Cependant, à notre avis, le Géorgien peut disputer au Circassien le prix de la beauté. Je me rappellerai toujours l'effet que me produisit, à travers les steppes des Tatars Nogaïs, la vue du premier Géorgien que nous aperçûmes. Depuis trois semaines ou un mois, l'aspect des Kal- mouks au milieu desquels nous avions voyagé, et des Mongols au milieu desquels nous voyagions, faisait pas- ser sous nos yeux les deux types les plus incontestés, pour nous autres Occidentaux, de la laideur humaine : teint jaune, peau huileuse, yeux petits et retroussés, nez épaté ou presque absent, barbe à poils isolés, che- veux incultes. malpropreté proverbiale; voilà ce qui, du matin au soir, récréait notre vue. Tout à coup, en arrivant à une station, nous aper- çûmes, debout, gracieusement appuyé au chambranle de la porte, un homme de vingt-cinq à trente ans, coiffé d'un bonnet à la persane, mais plus bas de forme. Sa figure, au teint mat, était encadrée dans de beaux che- veux luisants et doux comme de la soie. Il avait une barbe noire aux reflets rougeâtres. Ses sourcils étaient