LE CAUCASE 161 le conduisit sur un petit monticule en vue du camp russe, et on lui cassa la tête d'un coup de pistolet. On retrouva le corps deux jours après, à moitie dé- voré par les chacals. C'est de Kasafiourte qu'a été envoyé à Schamyl le chi- rurgien-major Piotrovsky; c'est à une demi-lieue de Kasafiourte qu'a eu lieu l'échange des princesses. Pendant que le lieutenant-colonel Cogniard nous don- mait ces détails, on vint lui dire quelques mots à l'oreille. Il se mit à rire. - Permettez-vous, me demanda-t-il, que je reçoive chez vous la personne qui a affaire à moi? Vous serez témoin d'un détail de mœurs qui ne sera pas sans inté- rêt pour vous. Comment donc! répondis-je, faites entrer. Une femme tatare, vêtue de manière qu'on ne lui vît que les yeux, descendit de cheval à la porte de la rue, et bientôt parut à celle de l'appartement. Reconnaissant le colonel à son uniforme, elle alla droit à lui. Le colonel était assis derrière une table. La femme tatare s'arrêta de l'autre côté de cette table, ouvrit un petit sac qu'elle portait à la ceinture et en tira deux oreilles. - Il Avec le bout de sa canne, le colonel s'assura que les deux oreilles étaient bien deux oreilles droites. prit une plume, du papier et de l'encre, et donna un bon de vingt roubles. Puis, en langue tatare : - Chez le trésorier, dit-il en repoussant les deux oreilles du bout de sa canne.