LE CAUCASE 159 occupe le poste le plus avancé qu'aient les Russes sur le territoire ennemi. Souvent les montagnards, même insoumis, deman- dent la permission de venir vendre leurs bœufs et leurs moutons à Kasafiourte. Cette permission leur est toujours accordée; mais celle d'acheter, au contraire, leur est obstinément refusée. Le jour même de notre arrivée, deux étaient venus, munis d'un sauf-conduit du lieutenant-colonel, et avaient vendu trente bœufs. C'est du thé surtout qu'ils voudraient bien acheter; mais il y a défense absolue de leur en vendre. Aussi, dans toutes les rançons, stipulent-ils, outre le prix de rachat, qu'il leur sera donné, à titre de prime, dix, quinze et même vingt livres de thé. Au reste, ils font des excursions jusque dans la ville: peu de nuits se passent sans qu'il enlèvent quelqu'un. Vers la fin de l'été, des soldats et des enfants se baignaient dans le Garah-Sou. Il était trois heures de l'après-midi; le co- lonel se promenait sur le rempart. Une quinzaine d'individus descendent dans la rivière, et font boire leurs chevaux au milieu des baigneurs. Tout à coup, quatre d'entre eux allongent la main, attrapent deux petits garçons et deux petites filles, les jettent sur l'arçon de leur selle et partent au galop. Aux cris des enfants, le colonel s'aperçoit de ce qui se passe et ordonne aux tirailleurs de poursuivre les Tatars. Les tirailleurs sautent ou se laissent glisser à bas des remparts, et se mettent aux trousses des ravisseurs. Mais ceux-ci avaient déjà trop d'avance sur eux.