LE CAUCASE 155 Un peu plus loin, nous distinguâmes une autre troupe, qui suivait le même chemin que nous. Comme elle se composait de charrettes et de fantassins marchant au pas, nous gagnâmes sur elle, et la rejoignimes bientôt. Ceux à qui ces fantassins servaient d'escorte étaient des ingénieurs se rendant à Temirkhan-Choura pour bâtir une forteresse. On serre de plus en plus la ceinture de Schamyl, qu'on espère finir par étouffer dans quelque étroite vallée. En arrivant à Kasafiourte, nous allions nous trouver à une demi-lieue de ses avant-postes, à cinq lieues de sa capitale. Depuis Kislar, le chemin, comme le paysage, chan- geait complétement d'aspect au lieu d'être uni et tracé en ligne droite, comme celui qui nous avait conduits d'Astrakan à Kislar, il était plein de détours nécessités par ces mouvements de terrain que l'on rencontre tou- jours à l'approche des montagnes, et n'était plus que montées et descentes. Seulement, montées et descentes étaient si rapides, si encombrées de pierres, qu'un co- cher européen eût jugé la route impraticable, et fùt revenu sur ses pas, tandis que notre hiemchik, sans s'inquiéter des essieux de notre tarantasse et des vertè- bres de nos corps, lançait, à chaque descente, ses che- vaux à un tel galop, que, du même élan, ils se trouvaient remontés de l'autre côté. Plus la descente était rapide, plus, de la parole et du fouet, notre hiemchik pressait ses chevaux. Il faut avoir une voiture de fer et un corps d'acier pour résister à de pareilles secousses.