154 IMPRESSIONS DE VOYAGE attachés par un licou à la queue du cheval, abandonnés par le montagnard, qui est obligé de songer à sa propre sûreté, presque toujours ils se noient en traversant le fleuve, qui, alors, a une verste de large. Une fois le pont traversé, nous nous trouvâmes dans une vaste plaine inculte, nul n'osant labourer ce terrain, qui n'est plus aux montagnards, et qui n'est pas encore aux Russes. La plaine était couverte de perdrix et de pluviers. Comme la journée était de trente-cinq à quarante verstes seulement, nous crûmes pouvoir nous donner le plaisir de la chasse. Nous descendîmes de notre taran- tasse, et Moynet d'un côté du chemin, moi de l'autre, suivis chacun de quatre Cosaques de la ligne, nous nous mîmes à gagner notre diner, à la sueur de notre corps. Au bout d'une demi-heure, nous avions quatre ou cinq perdrix et cinq ou six pluviers. A l'autre bout de la plaine, une petite troupe de dix ou douze hommes armés commençait à apparaitre; quoiqu'elle vint à trop petits pas pour être une troupe ennemie, nous n'en remontâmes pas moins en voiture, en substituant des balles à notre plomb. Souvent les montagnards, dont le costume est le même absolument que celui des Tatars de la plaine, ne se donnent point la peine de s'embusquer: ils suivent la route, et restent inoffensifs ou deviennent offensifs selon que l'occasion se présente. La troupe qui venait à nous se composait d'un prince tatar et de sa suite. Le prince pouvait avoir trente ans. Les deux noukers qui le suivaient portaient chacun un faucon sur le poing.