146 IMPRESSIONS DE VOYAGE pour une chose aussi ordinaire que celle qu'il avait faite. Tout était exact, et le général n'ajouta aux détails que je possédais déjà, que la lettre du comte Voronzof. Au moment de le quitter, je m'approchai, selon ma mauvaise habitude, d'un trophée d'armes qui attirait mes yeux. Ce trophée était particulièrement composé de cinq schaskas. Le général les détacha pour me les montrer. -Laquelle aviez-vous à Schoukovaïa, général? lui demandai-je. Le général me présenta la plus simple de toutes. Je la tirai du fourreau; la lame me frappa par son caractère d'antiquité. Elle portait gravée cette double devise, à peu près effacée par le temps et par l'émoulage de la lame : Fide sed cui vide; et, de l'autre côté : Pro fide et patria. Ma qualité d'archéologue me permit de déchiffer ces huit mots latins. J'en donnai l'explication au général. Eh bien, me dit-il, puisque vous avez déchiffré ce que je n'ai jamais pu lire, la schaska est à vous. Je voulus refuser, en disant que je n'étais en aucune façon digne d'un pareil cadeau. ― Vous la croiserez avec le sabre de votre père, me dit le général, c'est tout ce que je demande. Force me fut d'accepter. De leur côté, les montagnards ont aussi leurs éphémé- rides, non moins glorieuses que celles des Russes. L'une d'elles est cette même prise d'Akoulgo, où Schamyl fut séparé de son fils Djemmal-Eddin. Schamyl avait compris, avec sa vive et profonde intel- ligence, la supériorité des fortifications européennes, cachées au ras de terre, sur les fortifications asiatiques