LE CAUCASE 143 Après deux heures huit minutes de cette lutte sans exemple, que suivait le colonel, la montre à la main, afin de savoir pour combien de temps et de balles il avait encore d'hommes et de chevaux, — on entendit le canon dans la direction de Kourinsky. En même temps, les Cosaques fatigués, restés en arrière au bac d'Amir-Adjourk une quarantaine d'hommes environ-entendant cette fusillade, et devi- nant cette résistance, vinrent se joindre aux combat- tants, et se jetèrent dans le cercle de fer ou plutôt dans la fournaise de flammes. Ce canon que l'on entendait, c'était celui du détache- ment du général Mudell, qui s'était trompé de direction. Courage, enfants! voilà du secours qui nous arrive de deux côtés. - En effet, le secours arrivait. Il était temps: sur qua- tre-vingt-quatorze hommes, soixante-neuf étaient hors de combat. Les Tchetchens, voyant poindre les colonnes du géné- ral Mudell et entendant les coups de canon d'encoura- gement qui allaient se rapprochant, firent une dernière décharge et s'envolèrent vers leurs montagnes comme une bande de vautours. Le général Mudell trouva les braves Cosaques du général Schouslof à bout de poudre et de balles, pres- que à bout de sang. Alors seulement, ils respirèrent; alors seulement, l'aide de camp Fidiouskine, qui était resté debout trois quarts d'heure avec sa cuisse cassée, finit, non pas par tomber, mais par se coucher. Avec les lances des Cosaques, on fit des brancards