140 IMPRESSIONS DE VOYAGE - guerre. Pas un instant, il ne fut question de fuir. Mais quatre-vingt-quatorze hommes, attendant l'attaque de quinze cents, pouvaient bien se demander de quelle façon ils devaient mourir. Le résultat du conseil, tenu par l'aide de camp et le major, fut qu'on ferait faire aux chevaux un grand cercle, que les hommes se placeraient derrière les ani- maux et appuieraient, pour assurer la direction de leur feu, les fusils sur la selle. La manœuvre fut exécutée; puis, à haute voix, le général cria à ses hommes: -Ne tirez qu'à cinquante pas. Les Tchetchens arrivaient comme une trombe. Lors- qu'ils furent à cinquante pas à peu près, le lieutenant- colonel cria : -Feu ! L'ordre fut exécuté. La petite troupe se trouva enve- loppée d'un nuage de fumée qui s'enleva lentement. On ne pourrait juger de l'effet que lorsqu'on y verrait clair. Dès qu'on put percer le mur de vapeur, on se vit complétement entouré, excepté par un côté. C'est l'ha- bitude des Tchetchens, de laisser toujours une issue à la fuite de l'ennemi pour ne pas le désespérer; d'ail- leurs, avec leurs excellents chevaux, ils sont bien sûrs de rejoindre les fuyards, et, les prenant à la débandade, d'en avoir bon marché. Personne ne bougea. Cette issue ouverte était un piége connu. On avait affaire à des hommes qui, y trou- vassent-ils leur salut, ne voulaient pas fuir. La fusillade alors s'engagea, également vive des deux