LE CAUCASE 135 A cinq cents pas des dernières maisons de Schoukovaïa, nous retrouvâmes notre éternel Terek, qui nous barrait la route pour la dernière fois, et qui traçait la limite des États russes entièrement soumis. De l'autre côté, nous étions en pays ennemi. Au delà du pont que nous avions devant les yeux, tout homme que nous rencontrerions sur la route pou- vait avair, sans remords, dans son fusil, une balle à notre disposition. Aussi, au bas du pont, bâti par le comte Voronzof et qui se dresse par une pente extrêmement rapide, existe- t-il une barrière près de laquelle s'élève un corps de garde, et veille une sentinelle. Aucun voyageur ne passe plus scul. Si c'est un per- sonnage considérable, il doit avoir une escorte; s'il est du commun des martyrs, il doit attendre l'occasion. Au delà du pont, enfin, la ligne est franchie. La ligne est tracée par le Kouban et le Terek, c'est-à- dire par les deux grands fleuves qui descendent du ver- sant septentrional du Caucase et qui, partis presque de la même base, bifurquent dès leur naissance et vont se jeter, le Terek dans la mer Caspienne, le Kouban dans la mer Noire. Figurez-vous une immense accolade s'allongeant à la base d'une chaîne de montagnes, prenant sa source au pied du mont Kouban, et allant aboutir, à l'est à Kislar à l'Ouest à Taman. Sur cette double ligne, de quatre lieues en quatre lieues, des forteresses. Au milieu, c'est-à-dire à la base de la double acco- lade formée par les deux fleuves, le passage du Darial.