LE CAUCASE 133 mande à lui faire et se mit de lui-même à ma disposition. Je lui expliquai le besoin que j'avais de six chevaux, pour gagner Kasafiourte. Une fois à Kasafiourte, le prince Mirsky, auquel j'étais recommandé, se chargerait de mes moyens de locomotion jusqu'à Tchiriourth, où je retrou- verais la poste. J'avais deviné juste. Le colonel mit toute son écurie à ma disposition. Seulement, il prétendit que les chevaux ne seraient prêts à partir que lorsque j'aurais déjeuné avec lui. J'acceptai, mais à la condition que l'invitation me serait renouvelée par ce charmant bambin de dix ans qui connaissait M. Dumas et avait lu Monte-Cristo. On ouvrit la porte qui conduisait à ses appartements, Il avait l'œil collé à la serrure; on n'eut qu'à le faire entrer. Ce qu'il y avait d'extraordinaire, c'est qu'il ne parlait pas français et avait lu Monte Cristo en russe. En déjeunant, la conversation tomba sur les armes. Le colonel vit que j'étais grand amateur; il se leva et alla me chercher un pistolet tchetchen, monté en argent et qui, outre sa valeur matérielle, avait une valeur his- torique. C'était le pistolet du naïb lesghien Meelkoum, rajah tué par le prince Chamisof sur la ligne lesghienne. Pendant le déjeuner, le colonel avait envoyé les six chevaux prendre notre tarantasse et notre télègue, et commandé une escorte de quinze hommes, dont cinq Cosaques du Don et dix de la ligne. Les voitures et l'escorte vinrent nous attendre à sa porte. 8