LE CAUCASE 129 Cependant elle n'avait pas eu lieu, puisque on n'avait point encore entendu les coups de fusil. Nous mîmes nos chevaux au trot et traversâmes la stanitza, défendue par les fortifications ordinaires de haies, de treillis et de palissades, mais rchaussée cepen- dant d'une certaine élégance que je n'avais pas remar- quée dans les autres villages cosaques, et que je crus remarquer dans celui-ci. Nous arrivâmes enfin au lieu de l'exécution: c'était dans une espèce de plaine exté- rieure attenante au cimetière qu'elle devait avoir lieu. Le patient, homme de trente à quarante ans, était à genoux près d'une fosse tout ouverte et nouvellement creusée. Il avait les mains libres, les yeux sans bandeau; de tout son costume militaire, il n'avait conservé que son pantalon. La poitrine était nue, des épaules à la ceinture. Un prêtre était près de lui et écoutait sa confession. Au moment où nous arrivâmes, la confession s'ache- vait et le prêtre s'apprêtait à donner l'absolution au con- damné. Un peloton de neuf hommes se tenait prêt à quatre pas de là, les fusils chargés. Nous nous rangeâmes en dehors du cercle; seulement, montés sur nos chevaux, nous dominions toute la scène, et, quoique plus éloignés que les autres, nous n'en per- dions pas un détail. L'absolution donnée, le chef de la stanitza s'approcha du condamné et lui dit : Gregor-Gregorovitch, tu as vécu comme un rené- gat et un brigand; meurs en chrétien et en homme cou-