126 IMPRESSIONS DE VOYAGE je ne crus pas devoir attrister ses derniers moments par mon refus. Il est très-bien mort; quant à cela, il n'y avait rien à dire. Il a demandé qu'on ne lui bandât point les yeux, et il a sollicité et obtenu la faveur de com- mander le feu; lorsqu'il donna lui-même l'ordre de tirer sur lui et qu'il tomba, je ne sais pourquoi cela me fit tant d'effet, que je tombai de mon côté. Seulement, moi, Je me relevai; mais il paraît que j'étais restée quelque temps sans connaissance; car, lorsque je revins à moi, il était déjà enterré presque en entier; si bien, que l'on ne voyait plus que les pieds qui sortaient de terre. Ils étaient chaussés de bottes de maroquin rouge toutes neuves; j'étais si émue, que j'ai oublié de les lui ôter, de sorte qu'elles ont été perdues. Ces bottes oubliées étaient pour la pauvre veuve plus qu'un regret, c'était un remords. Au moment où nous arrivâmes à la stanitza, on eût pu croire qu'elle était déserte. Toute la population s'é- tait portée vers la partie opposée à celle par laquelle nous entrions. Il se passait, en effet, un événement de la plus haute gravité, lequel n'était pas sans analogie avec celui que nous venons de raconter; seulement, dans l'ordre chro- nologique, au lieu de précéder le récit que l'on va lire, le premier eût dû le suivre. Cet événement n'était rien de moins qu'une exécution à mort. Un Cosaque de Tchervelone, marié et ayant une femme et deux enfants, avait, deux ans auparavant, été fait prisonnier par les Tchetchens. Il avait dû la vie aux supplications d'une belle fille des montagnes qui s'était