LE CAUCASE 119 et qu'évidemment, un peu plus tôt ou un peu plus tard, il ne pouvait manquer de succomber. Ils se réunirent en conseil et délibérèrent. Le résultat de la délibération fut qu'on enverrait une députation au pristaf. La députation se présenta devant sa tente et fut ad- mise à l'instant même. Elle salua son chef avec tout le respect qui lui était dû, et l'orateur prit la parole. - L'avis général, dit-il au prince Tchélokaëf, est que Dieu t'a marqué pour une mort prochaine, et que tu ne peux aller loin ainsi. Le prince dressa l'oreille; l'orateur continua : --- - Si tu meurs dans deux ou trois jours, c'est-à-dire quand nous serons engagés tout à fait dans les monta- gnes, tu seras un grand embarras pour nous, qui tien- drons, tu le comprends bien, à rapporter ton corps à ta famille; en cas de retraite précipitée même, nous ne pourrions pas répondre, comme nous serons obligés de te couper par quartiers, qu'il ne se perdra pas quelque morceau de ta respectable personne. -- Eh bien, après? demanda le prince Tchélokaëf en ouvrant des yeux de plus en plus grands. - Eh bien, nous venons te proposer, pour que ton corps ne coure pas tous ces risques qui doivent te préoc- cuper, de te tuer tout de suite, et, comme nous ne som- mes qu'à cinq ou six journées de ta maison, ton corps arrivera sain et sauf à ta famille. Si caressante que fût la proposition, le prince refusa; il y a plus, la proposition fit ce que n'avait pu faire la quinine elle lui coupa subitement la fièvre.