1144 IMPRESSIONS DE VOYAGE Puis, à son tour, il poussa un cri en signe qu'il ac- ceptait le combat. Le montagnard, qui faisait de la fantasia, s'arrêta pour voir quel nouveau champion venait à lui. - Allons, dis-je à mon Cosaque, j'augmente la prime de dix roubles. Cette fois, il me répondit par un simple clignement des yeux. Il semblait faire provision de fumée, l'aspirant et ne la rendant pas. Puis il partit au galop avant que l'abreck eût eu le temps de recharger son fusil, arrêta son cheval à qua- rante pas de lui, épaula et lâcha la détente. Une légère fumée qui enveloppa son visage nous fit croire à tous que l'amorce seule avait brûlé. Le croyant désarmé de son fusil, l'abreck fondit sur lui le pistolet à la main et tira son coup à dix pas. Le Cosaque, par un mouvement imprimé à son cheval, évita la balle; puis, portant rapidement son fusil à son épaule, à notre grand étonnement à nous tous qui ne lui avions pas vu mettre une nouvelle amorce, il fit feu. Un mouvement violent que fit le montagnard prouva qu'il était atteint. Il lâcha la bride de son cheval et jeta, pour ne pas tomber, ses deux bras au cou de sa monture. L'animal, ne se sentant plus dirigé, furieux lui-même de sa blessure, emporta le cavalier à travers les buissons dans la direction du Terek. Le Cosaque se mit à sa poursuite. Nous allions lancer nos chevaux dans la même direc- tion que lui, lorsque nous vîmes peu à peu le corps du montagnard perdre son équilibre et rouler à terre.