LE CAUCASE 113 Le montagnard manoeuvrait son cheval, tout blessé qu'était celui-ci, avec une adresse admirable, et, quoique le sang ruisselât sur son poitrail, l'animal ne paraissait pas le moins du monde affaibli, tant son maître le sou- tenait des genoux, de la bride et de la voix. En même temps, un torrent d'injures ruisselait de ses lèvres et inondait son adversaire. Les deux combattants se joignirent. Je crus un instant que notre Cosaque avait transpercé son adversaire avec sa schaska. Je vis la lame briller derrière son dos. Mais il avait seulement percé sa tcherkesse blanche. A partir de ce moment, nous ne vìmes plus rien qu'un groupe de deux hommes luttant corps à corps. Au bout d'une minute, un des deux hommes glissa de son cheval; c'est-à-dire le tronc d'un homme seulement : la tête était restée à la main de l'adversaire. L'adversaire, c'était le montagnard. Il poussa avec ane sauvage et effrayante énergie un cri de triomphe. secoua la tête dégouttante de sang et l'accrocha à l'arçon de sa selle. Le cheval sans cavalier s'enfuit, et, par un instinct naturel, après avoir fait un détour, revint se joindre à nous. Le cadavre décapité resta immobile. Puis au cri de triomphe du montagnard succéda un second cri de défi. Je me tournai vers le Cosaque qui avait demandé à combattre le second. Il fumait tranquillement sa pipe. Il me fit un signe de la tête. - J'y vais, dit-il.