LE CAUCASE 93 levèrent dans la tarantasse et se préparèrent à protéger ma retraite si besoin était. Deux Cosaques, le fusil à la main, marchèrent, l'un à ma droite, l'autre à ma gauche. A peine eus-je fait dix pas dans le fourré, que les per- drix se levèrent; une d'elles quitta la bande et me donna plus de facilité pour la tirer; elle tomba à mon second coup, et alla rejoindre les pluviers dans la poche de la tarantasse. Puis je remontai lestement en voiture, et nous repar- tîmes au grand trot. Au moins, dit un des Cosaques, si les Tatars veu- lent nous attaquer maintenant, les voilà avertis. Les Tatars étaient ailleurs; nous traversâmes dans toute sa longueur le passage périlleux, et, quoique le crépuscule eût succédé au jour et que la nuit succédât bientôt au crépuscule, nous arrivâmes sains et saufs à Schoukovaïa. Un Cosaque nous précéda de dix minutes, pour de- mander au commandant de la station de nous désigner un logement. Schoukovaïa étant un poste militaire, ce n'était plus, comme à Kislar, au maître de police qu'il fallait nous adresser, c'était au colonel. Des avant-postes veillaient sur le village, et, quoiqu'il y eût tout un bataillon, c'est-à-dire un millier d'hommes, on voyait que les précautions prises étaient les mêmes que pour les simples stanitzas cosaques. On nous donna deux chambres, déjà occupées par deux jeunes officiers russes. L'un revenait de Moscou, où il avait été en congé chez ses parents; il allait à Derbend, où était son régiment. L'autre, lieutenant