LE CAUCASE 91 avec tout son genie, n'eût pas atteint à cette magie de tons que les rayons mourants du soleil imprimaient à la gigantesque chaine. La base des monts était d'un bleu sombre, les cimes étaient roses, les espaces intermédiaires passaient gra- duellement par toutes les nuances du violet au lilas. Le ciel était d'or fondu. Il est aussi impossible à la plume qu'au pinceau de suivre la lumière dans ses rapides dégradations: pen- dant le temps où le regard se reporterait de l'objet que l'on voudrait peindre au papier, l'objet aurait déjà changé de couleur et, par conséquent, d'aspect. A trois ou quatre verstes de nous, nous voyions, comme une ligne sombre, le bois que nous avions à traverser. Au delà du bois, la route bifurque. Un des deux chemins, allant à Mosdok et à Vladi- kavkas, coupe le Caucase par la moitié, et, en suivant le défilé du Darial, conduit à Tiflis. Celui-là est desservi par des chevaux de poste, et, quoique dangereux, ne l'est pas au point que le danger interrompe les communications. L'autre, qui empiète sur le Daghestan, passe à vingt verstes de la résidence de Schamyl, et coudoie à chaque pas les peuplades ennemies; aussi la poste est-elle in- terrompue pendant soixante ou quatre-vingts verstes. C'était ce dernier que j'avais résolu de prendre; de Tiflis, je reviendrais visiter la gorge du Darial, les dé- filés du Terek. Celui-là me conduisait à la capitale de la Géorgie, par Temirkhan-Choura, Derbend, Bakou et Schoumaka, c'est-à-dire par une route que personne ne suit d'habitude à cause des difficultés qu'elle pré-