90 IMPRESSIONS DE VOYAGE prenaient plus d'acuité pour le prévoir, notre cœur plus d'énergie pour y faire face. Le danger est une chose étrange: on commence par le craindre, puis on le brave, puis on le désire; et, quand, après l'avoir affronté longtemps, vous le voyez s'éloigner de vous, il vous manque, comme un sévère ami qui vous disait de vous tenir sur vos gardes. J'ai bien peur que le courage ne soit qu'une affaire d'habitude. A la station de Novo-Outchergdennaïa, c'est-à-dire à celle qui précédait l'endroit dangereux, on ne put nous donner que cinq Cosaques; le chef du poste nous avoua lui-même que c'était bien peu, et nous offrit d'attendre le retour de ses hommes. Je lui demandai si, dans le cas où nous attendrions le retour de ses hommes, nous marcherions de nuit. Il nous répondit que non; que nous coucherions au poste et repartirions le lendemain matin, avec quinze ou vingt hommes. - Vos cinq hommes se battront-ils si nous sommes attaqués? demandai-je au chef du poste. - Je vous réponds d'eux ce sont des hommes qui font trois fois par semaine le coup de feu avec les mon- tagnards; pas un ne làchera pied. - Alors, nous serons huit; c'est tout ce qu'il faut. Partons. Je renouvelai la recommandation aux voitures en cas d'attaque; je communiquai le plan de défense à nos hommes, et nous partîmes au grand trot. Le soleil descendait rapidement vers l'horizon; le Caucase était merveilleusement éclairé : Salvator Rosa,