LE CAUCASE 85 corte fut attaquée par les Tchetchens, l'escorte se sauva. Un jeune Cosaque, mieux monté que les autres, après avoir jeté lance, pistolets, schaska, sans papak, l'œil effaré, éperdu de terreur, entra dans la cour du poste, au grand galop de son cheval, en criant de tout ce qui lui restait de force : - Zastoupi za nass, Gavrielovitch! Ce qui voulait dire : « Sauve-nous, fils de Gabriel! » Puis, après cet effort suprême, il tomba évanoui à bas de son cheval. Depuis ce temps, les autres Cosaques et les Tatars appellent les Cosaques du Don, des gavrielovitch. Les montagnards, qui rachètent à tout prix leurs compagnons tombés aux mains des Russes, donnent quatre Cosaques du Don ou deux miliciens tatars pour un Tchetchen, un Tcherkesse ou un Lesghien; mais ils échangent homme pour homme, le Cosaque de la ligne contre le montagnard. Jamais les montagnards ne rachètent un des leurs qui a été blessé d'un coup de lance : s'il a été blessé d'un coup de lance, il a été blessé par un Cosaque du Don, et, à leur avis, il n'y a qu'un lâche qui puisse être blessé par un Cosaque du Don. Ils ne rachètent pas non plus l'homme blessé par der- rière; cette mesure s'explique d'elle-même l'homme blessé par derrière a été blessé en fuyant. Or, pour le moment, notre escorte se composait de gavrielovitch; ce qui n'était pas rassurant, vu le brouil- lard qu'il faisait. Nous fimes, ainsi, au milieu du brouillard, et le fusil armé et sur le genou, les dix ou douze verstes qui nous