84 IMPRESSIONS DE VOYAGE l'ennemi qu'il a à combattre, familiarisé dès l'enfance avec le danger, soldat à douze ans, passant trois mois par an seulement à sa stanitza, c'est-à-dire à son vil- lage, restant à cheval et sous les armes jusqu'à cin- quante ans, est un admirable soldat, qui fait la guerre en artiste, et qui trouve du plaisir au péril. De ces Cosaques de la ligne, fondés, comme nous l'avons dit, par Catherine, mêlés aux Tchetchens et aux Lesghiens, dont ils ont enlevé les filles, comme les Ro- mains étaient mêlés aux Sabins, est résultée une race croisée, ardente, guerrière, gaie, adroite, toujours riant, chantant, se battant. On cite d'eux des traits de bra- voure incroyables; d'ailleurs, nous les verrons à l'œuvre. Le Cosaque du Don, au contraire, pris à ses plaines pacifiques, transporté des rives de son fleuve majestueux et tranquille, aux bords tumultueux du Terek ou aux rives décharnées de la Kouma, enlevé à sa famille d'agri- culteurs, attaché à sa longue lance, qui lui est plutôt un embarras qu'une défense, attristé par ce bâton qu'il s'obstine à ne pas quitter, inhabile à manier le fusil et à conduire le cheval, le Cosaque du Don, qui fait en- core un assez bon soldat en campagne, fait un exécrable soldat d'embuscade, de ravins, de buissons et de mon- tagnes. Aussi, les Cosaques de la ligne et la muice tatare, excellente troupe d'escarmouche, se moqu nt-ils éter- nellement des gavrielovitch, nom qui exaspère les Cosa- ques du Don. Pourquoi ? Voici : Un jour, des Cosaques du Don étaient d'escorte; l'es- (