LE CAUCASE 77 Il viendrait nous rejoindre chez le maître de police, avec la tarantasse et la télègue tout attelées. Moynet et moi suivimes le maître de police. Nous trouvâmes deux dames au lieu d'une. Il y avait une belle-sœur qui n'avait pas voulu perdre cette occa- sion de voir l'auteur de Monte-Cristo et des Mousque- taires, et qui était arrivée au point du jour, à cette in- tention. Ces deux dames parlaient français. Une des deux, la femme du maître de police, était ex- cellente musicienne; elle se mit au piano et nous chanta plusieurs mélodies russes charmantes, et, entre autres, le Gornaia-Verchini, de Lermontof. Kalino arriva avec la tarantasse et la télègue, et, comme on n'attendait plus que lui pour déjeuner, lui arrivé, on se mit à table. La conversation tomba naturellement sur les Tatars. La maîtresse de la maison nous confirma ce que nous avait déjà dit son mari: c'est que, quelque envie qu'elle eût de me voir, son mari étant sorti à la suite des coups de feu, elle n'avait point osé aller chez sa sœur sans escorte. Les recommandations que nous avait faites, la veille, madame Polnobokof, nous furent renouvelées avec sur- croît d'insistance; ce qui amena ces dames à nous dire que, comme elles ne voulaient point nous retarder, elles nous donnaient congé. Il s'agissait surtout de traverser de jour le bois de Schoukovaïa. Ce malheureux bois de Schoukovaïa était la préoccu- pation de tout le monde.